L’envie de voler est certainement un de mes plus vieux rêves et l’on passe la plus grande partie de sa vie d’adulte à tenter de réaliser ses rêves d’enfant. C’est ainsi que je me suis retrouvé en l’air assis sur des tubes aciers soudés, suspendu à un morceau de tissu retenu par des ficelles en survolant une trentaine d’années plus tard le lieu de mon enfance où j’avais précisément rêvé de m’envoler en voyant un hélicoptère au-dessus de  la maison familiale dans les années soixante lorsque j’étais môme.

A la fin des années soixante dix, le deltaplane est en plein essor, quelques prototypes motorisés font leurs apparitions, ça me tente beaucoup..… quelques vols en planeur pour découvrir la troisième dimension, un premier vol en ULM pendulaire  sous le premier biplace Mosquito Véliplane,  motorisé par deux moteurs solo à prise direct ( un bruit d’enfer !) avec Roland Magallon sur le terrain de Persant Baumont , un stage pendulaire au Puy en Velay avec  Guy Maniglier comme instructeur sur son Puma Sprint  valident mon désir de voler en conservant toutefois une crainte de ces structures légères aux assemblages parfois hétéroclites …voler, oui mais en s’octroyant le maximum de  sécurité. Le hasard me fit rencontrer, lors d’une fête, des militaires qui proposaient un vol en parachute hémisphérique ascensionnel tracté par une jeep, , coup de foudre de voler ainsi, aussi simplement en dessous de la voile, l’esprit se mis à gamberger sur une cellule motorisée qui permettrait de voler en autonomie…Quelques mois plus tard, quelle ne fût pas ma surprise de voir une photo du premier « parachute motorisé », le Paraplane américain dans la revue Vol Libre !  Génial de voler sous un parachute ouvert sans avoir de commande de tangage, plus aucune structure rigide dans la voilure, le vol motorisé « idiotproof » que je recherche existe !

Gérard Feldzer, pilote de ligne, traverse la manche avec le premier Paraplane ramené dans ses bagages des states. Le  Parafan de chez Centrair arrive suivi par le modèle Belge d’Edmond Durondeau, Bernard Brisset  créé la première école de formation  « paramoteur » et me voilà pilote, pour rapidement en venir à mes propres constructions après avoir auto-édité un livre «  le parachute ascensionnel motorisé »  qui m’a enrichit, pas financièrement ( !) mais en établissant un cercle d’échanges entre passionnés du paramoteur naissant où les idées de chacun germaient dans l’éclosion de cette nouvelle forme de vol motorisée.

Ma vie de pilote est tracée au travers des constructions de prototypes tant monoplace que biplace, un coup en tandem, un coup en côte à côte, un coup avec une hélice derrière ou une hélice devant ! Toutes les configurations ont été essayées par plaisir de concevoir, un dessin sur une feuille et l’on se retrouve en  l’air sur sa machine, sur un tube soudé à mille mètres d’altitude ! Une bonne école de la vie par la maitrise de soi, par la responsabilité, ce n’est pas la faute de l’autre si ça ne va pas, comme on a tendance à vivre dans nos sociétés aujourd’hui…

Paradoxalement,  moi qui a passé tout mon temps aéronautique à voler et à développer le paramoteur sur roues, ma première construction fut un paramoteur «  à dos » ; L ‘ « Essenciel », mon premier bricolage « aéronautique » sorti de l’atelier en 1987. Pour améliorer le rendement du premier paramoteur à moteur Solo à prise directe de bernt Gartig, le Solo fut monté avec un réducteur d’un taux de 2 à 1 et une hélice de 120 cm de diamètre, une première à l époque, c’était paraît-il, impossible,  d’après les « spécialistes » de réducter un moteur porté à dos! La suite prouva que non ! De plus pour faciliter le démarrage, une soupape de décompresseur de mobylette trouva sa place dans la culasse après fraisage du siège adéquat ; une béquille reprenait le poids de la machine au sol et  l’hélice était  protégée par un câble inox. En cherchant un parapentiste pour finaliser la « bête », je rencontre Yves Marre qui devint son nouveau propriétaire, lui-même rencontra le fabricant d’hélice Léon Mouraud ;  et c’est ainsi qu’ensemble, en partant de cette base ils mirent au point le fameux Propulsar et que le premier nommé traversa La Manche avec.

Vinrent ensuite une longue série de chariots divers, tous construit à l’unité,  Je me sens incapable de construire deux fois la même bécane malgré la mise au point qui pourrait s ‘affiner au fil des constructions par l’expérience acquise, mais non, je ne me vois pas faire ça ! Pas d’ennui ou d’obligations dans cette activité : pas de commerce, du plaisir et point barre…

Le premier fût le « 102 » en 1991 avec l’idée première de voler avec moins de puissance au regard de ce qui se faisait alors, tout simplement en réduisant le poids avec à la base un moteur de puissance réduite à moitié et en augmentant la finesse du sustentateur par l’utilisation d’un parapente biplace en remplacement du « parachute » d’alors. Ouvrons une parenthèse pour se replacer dans le contexte de cette époque où les chariots paramoteurs disponibles sont au nombre de deux : le Parafan de chez Centrair et le modèle Durondeau en Belgique, tous deux d’une centaine de kilos de masse à vide ; leurs finesse respective est de l’ordre de 2.5 à 3 et leurs taux de chute d’environ 4 m/s ! Pas de besoin de faire les oreilles pour retrouver le plancher des vaches ! N’oublions pas que la poussée nécessaire au vol en palier est le poids volant divisé par la finesse. Voilà pour les premiers choix, ensuite techniquement je choisis le monocylindre Rotax 277 de 28 CV d’une grande robustesse et surtout muni de l’excellent réducteur mécanique qui a contribué au succès de la marque dans notre domaine ; le support moteur tête en bas inspiré du pendulaire Dauphin du créateur du sky ranger : Philippe Prévost. Du même concepteur le choix du matériau pour presque tous mes châssis : un simple acier de serrurerie type 102 avec une résistance à la rupture de 36 dan et 26 dan de limite élastique ; Ces valeurs sont faibles mais pour moi le coût et la facilité de soudage (TIG ou chalumeau oxyacéthylénique ma préférence)  me le font garder ; Pas besoin de maquette, on peut essayer diverses solutions sans se ruiner, un remplissage et vidage d’huile à l’intérieur des tubes qui ont reçu précédemment une protection  par peinture époxy et la crainte de l’oxydation s’éloigne ! une suspension arrière par barres en fibre de 25 et….. Nous voilà en bout de piste sanglé sur la bête qui ne vivait alors qu’en dessin il n’y a pas si longtemps et au bout duquel une voile BLS BICYCLET de 40m2 est accrochée ! Un peu de gaz et à l’allure d’un bon marcheur je me retrouve en vol aidé par la brise de face….agréable souvenir de voler sur sa propre machine, un chariot de 50kgs, une aile parapente de 40M2 transforment les sensations du vol, les « fers à repasser » d’alors deviennent des papillons ! …Fernand Soubeyrat cherche à motoriser ses ailes Albatros et cet engin lui permettra de se lancer au paramoteur après une bonne carrière en tant que constructeur de parapentes.

Le « PARAVION » : Pendant la construction du 102 l’idée germa d’un moteur tractif en paramoteur ! Construisons pour innover et non pas pour reproduire ce qui existe déjà ! «  Ceux qui ont des idées ont de l’avenir »  et bien l’avenir nous le dira ! de plus le moteur qui chauffe en propulsif  renforce l’idée, il sera soufflé en plus de ne pas pouvoir me défoncer le dos en cas de choc ; l’hélice ne se trouve plus dans le plan de la voile, en cas de rupture de celle-ci plus de risque pour l’aile ; pour le gonflage, les suspentes ne seront plus à cinq centimètres d’un morceau d’ hélice qui se déplace à  600 km/heure ! En inconvénient, la visibilité est moindre vers l’avant et le pilote est refroidi tout comme le moteur (il en a parfois bien besoin….le pilote !). Moteur avec calcul d’un pot accordé et d’une hélice de 140, le tout donne un résultat fort honorable de 90 kg de poussée avec ce moteur de 28cv, le châssis composé de deux tubes est pliable et réduit à sa plus simple expression, le pilote étant assis dans une sellette parapente, train classique avec roues de 400 et pare brise en Lexan pour la protection du pilote. Le verdict du premier essai fut surprenant : Cette p….n de voile ne veut pas grimper à la verticale ? Bizarre ! après quelques essais, la cause apparut : la déflection du souffle de l ‘hélice sur le sol retournait la voile et le bord de fuite me ridiculisait en se présentant le premier face au vent  au détriment des règles élémentaire de l’aérodynamisme ! ( ce défaut était difficile à corriger, le plan d’hélice étant tributaire du train classique) un seul vol après acharnement pour gonfler la voile et la scie à métaux vint en quelques minutes à bout de six mois de travail sans aucune tristesse : un vol unique, inoubliable et inimitable ( je ne vous en dirais pas plus !…).

Le « TWIN »: Après ce demi-échec, assumons SVP !  L’envie de voler me fit choisir des solutions simples, rationnelles ou déjà expérimentées; Ainsi naquit en 1993, facilement et sans douleur ce premier biplace côte à côte motorisé par un ROTAX 503 double-carbus  de 53 CV , Une bonne machine ce twin ! Assis à droite en solo, gaz à fond, le chariot « crabait » d’un angle impressionnant pour les badauds, mais moi, même pas peur ! ça grimpait aux arbres et c’est bon pour le plaisir ! Et parfois pour la sécurité aussi d’avoir une bonne réserve de puissance sous la main ou le pied. Pas de mauvais souvenirs avec ce truc !

Le « JR7 » : Les Garçons grandissent et l’aîné exprime souvent le désir de voler avec son papa ! Comment résister à une telle demande, je vais te  faire ça mon gars ! Je dessine un engin avec un « strapontin » devant moi pour encadrer et prévenir l’éventuel angoisse du bambin ! Pour corser le tout je décide que cette machine  utilisera la remorque du V3 sans aucune modification ! Original autant qu’idiot (si si !) je me suis amusé à dessiner ainsi avec des contraintes inavouables ! Le pilote est assis plus haut, les pieds du passager passent devant la fourche et le tour est joué ! J’ai le même empattement et la même voie et le tout s’emboîte sans rien changer à la remorque ! En vol tout va très bien et je baptise à tour de bras les amis et les amis de mes amis, je dois simplement changer le centrage suivant la charge embarquée puisque le passager est en avant du centre de gravité ; j’ai omis de vous dire qu’au premier vol (ah le premier vol il s’en passe toujours de bonnes !) je découvre un couple  « énorme » dès le décollage essentiellement à cause de ma position haute et de l’ancrage de l’aile ; Je pouvais virer à gauche en mettant « gaz » ! A droite plus classique avec le frein mais à condition de couper les gaz avant !  C ‘est là que je repris l’idée de la dérive haute des autogires « Floridiens » en l’adaptant à l’horizontal sur mon proto ! L’essai est si concluant que le CTBX provisoire de l’essai y est toujours ! Super ! Le souffle hélicoïdal de l’hélice est coupé et l’effet de couple disparaît totalement ; Des bons vols avec une position idéale pour moi en biplace : l’accrochage de l’aile est devant moi et mes bras sont en bonne position pour attaquer les freins, la cinématique est idéale et ce n’est pas un luxe car c’est physique pour un type comme moi qui ignore ce qui se trouve derrière la porte du club de musculation !

Le « BI8 »  est de configuration…….Oui gagné ! Côte à côte bien sûr puisque le précédent était en tandem ! Le châssis est réduit à sa plus simple expression par trois barres de zicral rassemblées sur un nœud en acier mécano-soudé qui supporte le moteur, les barres « attache » de l’aile et support de sellettes puisque c’est une des particularités de ce BI-8, tout ça fini par bien voler : Agréable pour la convivialité du passager mais gênant pour le débattement des freins (limités et l’avant bras devant le visage du passager) l’ensemble pèse 73 kg.

«  PARAVION II » oui ! Ça fait bien longtemps que l’idée me trotte à l’esprit d’un moteur tractif à nouveau (aie aie ! Il recommence !!) Sur un châssis à train tricycle pour éviter le retournement de l’aile au début du gonflage et comme on n’est pas timide, c’est directement un biplace en tandem qui est projeté ! Tellement sûr de la réussite (ben voyons !) Tout est pensé et la certitude s’installe après de longs mois de travail à peaufiner l’engin sous toutes ses coutures……bout de piste, démarrage du 503! J’enfonce la pédale, l’aile monte sans réticence, la machine accélère quand l’aile réduit sa traînée en position de vol, au moment ou je pense quitter le sol, grand vainqueur du paramoteur tractif devant une poignée d’amis, pile à ce moment là, j’ai l’impression qu’une carrure du style « Teddy Riner » me prend la roue et la soulève pour me retourner sauvagement en me ridiculisant ! Réflexe acquit dans d’autres circonstances d’essai : ne jamais couper, l’inertie me basculerait vers l’avant, seule solution : gaz à fond pour décoller coûte que coûte ! Aussi dit aussitôt fait, je me retrouve en l’air dans une position bizarre avec un balancement puissant! En l’air, c’est benhur sur son char ! Le moteur est loin devant moi, l’ensemble forme un volant d’inertie préjudiciable à la maniabilité mais c’est sympa et le petit saute-vent remplie son rôle à merveille, un petit vol très chouette sur un engin unique qui connaît le jour suivant le contact des dents de la scie à métaux !! Le couple me déstabilise au moment crucial où la roue quitte le sol ! Pas de solution à mon goût et je déteste le bidouillage, je préfère repartir sur une nouvelle idée que de modifier et enlaidir le  projet initial d’une machine.

Mon fils Ettore vole seul et a construit ses machines, les prototypes suivant seront tous monoplaces et deviennent semblables aux produits disponibles quand à leurs motorisations et leurs allures, petit chariot de 50 kgs et des ailes parapentes qui nous comblent tant leurs domaines de vols est sécurisant. L’évolution de tous ces prototypes, une vingtaine, m’a permis de tester toutes les configurations possibles avec attaches hautes et basses de l’aile, des écartements différents,  des centre de gravité haut et bas des attaches mobiles et j’en passe, tout est affaire de compromis et de choix, à retenir que ces évolutions ont été permises grâce à l’envolée du parapente qui aboutit à des ailes à la finesse doublée et  aux domaines de vol bien définies par les essais et la mise au point des différents constructeurs, les voiles ont progressées plus rapidement que les moteurs, si pour les monoplaces, il y a pléthore, pour les biplaces, on a pas encore trouvé  le remplaçant au 503, idéal pour les vols d’initiation en biplace.

Vous pouvez voir en détails ces différentes constructions via le site internet  >  http://startair.chez.com/